Cette phrase, lancée par un élève lors d’un cours de théâtre, peut sembler étrange au premier abord. Après tout, qui se réjouit de l’échec ? Dans notre quotidien, nous faisons tout pour éviter l’erreur, de peur d’être jugés, ridiculisés ou rejetés. Mais au théâtre, c’est tout l’inverse : l’erreur devient un terrain de jeu, une source de créativité et un formidable levier d’apprentissage.
Le cours comme laboratoire
J’aime comparer mes cours de théâtre à un laboratoire. Non pas un espace froid et rempli de fioles, mais un lieu vivant, où chacun peut expérimenter sans crainte. Dans ce laboratoire, l’élève n’a pas besoin d’être “bon” ou “performant”. Ce qui compte, c’est d’essayer. De tester une idée, un geste, une intonation, même si cela paraît maladroit. Ici, se tromper n’est pas une faute, mais une étape essentielle du processus.
C’est précisément dans cet espace de liberté que naît la créativité. Quand on arrête de vouloir être parfait, on ose davantage. On prend des risques. Et souvent, les trouvailles les plus drôles, les plus touchantes ou les plus surprenantes viennent d’un “raté”. Le théâtre nous apprend que l’erreur n’est pas un obstacle, mais une porte ouverte sur l’inattendu.
L’erreur comme tremplin
On associe trop souvent l’échec à quelque chose de négatif. Pourtant, au théâtre, une erreur peut se transformer en moment magique. Un mot oublié, un geste mal coordonné, une improvisation qui dérape… Tout cela peut donner naissance à une scène drôle, émouvante, parfois même plus réussie que ce qui était prévu.
Les comédiens professionnels le savent bien : il faut accueillir l’accident. Sur scène, vouloir tout contrôler est illusoire. Accepter de se tromper, c’est accepter d’être vivant, d’improviser, de rebondir. C’est cette capacité d’adaptation qui fait la force d’un comédien.
Dans un cours, cette approche libère les élèves d’une immense pression. Ils découvrent que “mal faire” n’existe pas. Il n’y a que des tentatives, des explorations, des expériences. Et chacune d’elles est précieuse.
Un nouveau regard sur soi
Dans la vie quotidienne, nous avons tendance à nous juger très sévèrement. Une erreur lors d’une présentation, un mot de travers, un oubli… et nous nous en voulons pendant des jours. Le théâtre change ce regard. Il nous invite à prendre l’erreur avec légèreté, à la regarder avec humour plutôt qu’avec honte.
Cette transformation est profonde : en acceptant de se tromper sur scène, on apprend aussi à s’accepter dans la vie. On cesse de courir après une perfection illusoire. On se donne le droit d’être imparfait, humain, authentique.
Et c’est souvent dans cette authenticité que réside le vrai charme d’un comédien. Le public n’attend pas la perfection technique, mais une présence sincère.
Retrouver l’esprit d’enfance
Enfants, nous jouions sans peur du ridicule. Nous inventions des histoires, prenions des rôles farfelus, nous déguisions sans crainte d’être “mauvais”. Puis, en grandissant, nous avons appris à nous contrôler, à éviter l’échec, à craindre le regard des autres.
Le théâtre nous ramène à cette spontanéité perdue. Dans un cours, quand on rit ensemble d’un “plantage” ou quand on applaudit un élève qui ose malgré son trac, on retrouve cette joie simple de jouer, d’essayer, d’être libre.
Une leçon de vie
Accepter de se tromper au théâtre, c’est aussi une formidable leçon pour la vie de tous les jours. Car en réalité, nous apprenons toujours par l’erreur. C’est en chutant que l’enfant apprend à marcher. C’est en se trompant qu’on affine sa compréhension.
Alors pourquoi vouloir éviter à tout prix ce qui nous fait progresser ?
Le théâtre nous réconcilie avec l’échec. Il nous montre qu’il n’est pas une fin en soi, mais une étape, un tremplin.
La joie d’oser
“J’ai hâte de me tromper” : cette phrase est finalement une déclaration de liberté. Elle dit : je n’ai plus peur. Je suis prêt à tenter, à explorer, à me lancer. Même si ce n’est pas parfait. Même si je bafouille. Parce que je sais que dans ce cours, dans ce laboratoire, cela sera accueilli, valorisé, transformé.
Et c’est bien là, à mon sens, le plus beau cadeau que le théâtre peut offrir : cette joie d’oser.
Oser parler, oser bouger, oser inventer. Oser être ridicule, maladroit, imparfait. Et découvrir, au bout du compte, que c’est dans cette imperfection assumée que l’on est le plus vrai, le plus touchant, le plus vivant.
Alors oui, en théâtre, on peut dire sans crainte : “Vivement que je me trompe !”
Parce qu’à chaque erreur, on apprend. À chaque maladresse, on grandit. Et à chaque faux pas, on trouve un chemin nouveau vers la créativité, la confiance et la liberté.